Pratique des Masseurs-Kinésithérapeutes
Si la pratique des Masseurs-Kinésithérapeutes (MK) est en théorie vaste et variée, en réalité la majorité des demandes concerne le traitement des troubles fonctionnels et en particulier ceux du domaine musculo-squelettique. Pour y faire face, les MK utilisent des techniques et des outils multiples qui ont des avantages, en particulier permettre de répondre à des objectifs rééducatifs, et des inconvénients qui peuvent concerner le temps nécessaire à l'application des gestes professionnels, mais aussi à l'intensité et la répétition qui sont la cause des fatigues du praticien. Pour aider les praticiens, il fallait imaginer une machine qui :
- respecte la physiologie humaine,
- accompagne le mouvement fonctionnel,
- s'adapte à la variété des situations de rééducation,
- accompagne le patient en lui indiquant un biofeedback de ses efforts,
- accompagne et contrôle les gestes dynamiques,
- permette aisément de visualiser et de stocker les résultats.
- soit rapide en réglages, facile d’utilisation et financièrement adapté au secteur.
Qui respecte la physiologie humaine:
Les mouvements du quotidien ne sont ni exclusivement sagittaux, ni exclusivement latéraux/frontaux, ni uniquement transversaux/rotatoires, mais ils sont le formidable résultat d’une combinaison des trois de façon à réaliser des gestes plus ou moins complexes. Ces gestes peuvent même aller jusqu’à produire des circonvolutions ou des 8 dans l’espace, autrement dit des mouvements sans la restriction d’un plan unique. Les activités de la vie de tous les jours sont la traduction visible de toutes ces réalisations combinatoires possibles (amener la fourchette à la bouche, se coiffer, exécuter une tâche sur une chaîne de fabrication au travail, shooter dans un ballon, faire un service au tennis, …). Les mouvements articulaires physiologiques ne sont jamais uniformes et uni-plan, il est essentiel de respecter cette base physiologique en rééducation. A l’heure actuelle, les équipements mis à disposition du MK et de son patient sont généralement conçus pour faire travailler l’articulation dans un plan (certains fournissent des mesures comme par exemple les appareils d’isocinétisme), d’autres permettent aussi un travail dans plusieurs plans mais ne fournissent pas ou peu de mesures du mouvement (élastiques, pouliethérapie, plateformes,…).
Une nouvelle génération d’équipements permet désormais aussi bien un travail analytique que fonctionnel avec contrôle du mouvement et mesure de l’effort. Ainsi, il est possible de suivre les mouvements tels qu’ils existent d’après la construction physiologique des articulations, et le MK peut parfaitement programmer l’équipement sans imposer un mouvement qui n’est pas physiologique. Ainsi, lors de l’utilisation de ce type d’équipement, les mouvements du corps humain tels qu’ils ont été conçus au départ par le fonctionnement anatomique sont respectés, notamment dans la dimension spatiale (amplitudes et orientation dans l’espace).
Avec ces nouvelles générations d’équipements, conçues pour le travail fonctionnel en 3D, le nombre de configurations dans l’espace est infini. Côté pratique, l’utilisation et la mise en place sont facilitées : le kinésithérapeute place son patient en fonction du mouvement qu’il veut lui faire effectuer et n’a plus qu’à régler sur l’appareil l’espace de travail dans lequel il souhaite que ce mouvement s’inscrive.
Qui accompagne le mouvement fonctionnel:
Le comportement moteur propre à chaque individu porte sur la rationalité du geste et s’inscrit dans le cadre des activités quotidiennes, liées à la vie de relation, familiale, professionnelle, sportive, culturelle et de loisir. Ces activités font appel à la mise en jeu de plusieurs articulations et actions musculaires. Il s’agit donc de prendre en compte les répercussions de la déficience sur les grandes fonctions de l’appareil locomoteur faisant intervenir des notions de potentiel d’activité, d’autonomie, de réinsertion, et d’aspect psycho-social.
Avec ce type d’appareil, le mouvement réalisé par le patient peut intégrer non seulement une situation spatiale sollicitant une seule articulation mais aussi une association de mouvements impliquant les articulations proximales et/ou distales. C’est alors une somme de segments qui réalise le mouvement, dans un système d’enchaînement d’actions synergiques impliquant aussi bien des chaînons articulaires que des chaînes musculaires.
Une autre caractéristique du mouvement fonctionnel tel qu’il est réalisé et vécu dans la vie de tous les jours, est que la fonctionnalité n’est que très rarement de type exclusivement concentrique ou statique. Elle est à dominante excentrique, à des vitesses variées que l’équipement doit contrôler et à des intensités également adaptables. En pratique courante, le MK choisit le type de travail musculaire en fonction de la spécificité musculaire concernée « en tenant compte de la pathologie interdisant ou empêchant certaines activités musculaires. Le type de travail choisit ne doit pas être limité à une seule possibilité lorsque plusieurs d’entre elles sont réalisables, Il faut savoir redonner au muscle toutes ses propriétés ».
Pour prendre en compte ces aspects-là dans la rééducation du patient, le MK a longtemps préféré utiliser ses mains aux machines. Guidant et accompagnant le geste du patient dans un plan ou dans l’espace, il exerçait lui-même la résistance en l’adaptant à l’effort du patient et à ses capacités. Cette nouvelle génération d’équipements vient assister le MK dans sa pratique en offrant la possibilité de faire réaliser un mouvement tridimensionnel respectant la physiologie humaine, en proposant des types d’exercices variés quant à leur mode de travail musculaire (prenant en considération les exigences fonctionnelles du muscle dans sa spécificité), et prenant en considération d’autres composantes fonctionnelles telles que la vitesse. Le patient peut travailler des mouvements variés tels qu’un geste partant de l’armé du membre supérieur, le shoot du membre inférieur, le main-bouche, des diagonales de type Kabat…
Qui s'adapte à la variété des situations de rééducation:
En rééducation, le MK est confronté à des recherches de mobilité, des recherches d’amplitude, des recherches d’action musculaire, et à des recherches de vitesse. Pour chacune de ces exigences et selon le stade de la rééducation, cette nouvelle génération d’équipements se distingue d’autres appareils par sa polyvalence et il possède des possibilités de réglage(s) aisées: un certain nombre de paramètres sont à la disposition du praticien selon les objectifs qu’il a fixé avec son patient. Il est possible de dissocier ou d’associer le travail agoniste et antagoniste. Différents modes de travail en dynamique (où les caractéristiques de force et de vitesse sont réglables) sont réalisables : le travail en isocinétisme (sous différentes formes d’application, concentrique et excentrique combinée éventuellement avec un retour passif), le travail en simulation de la résistance manuelle (La mobilisation active-aidée, active contre résistance avec réglage de la consigne d’effort, combinée potentiellement avec un retour en mobilisation passive). Le thérapeute peut comparer le membre lésé au membre sain. Ce type de machines peut fournir des mesures de vitesse, de déplacement, d’accélération et la force axiale développée par le patient. « Cette multifonctionnalité de l’instrument permet une adaptation à différentes pathologies ». Le travail isométrique (tenu-relâché) complète la variété de possibilités avec le même équipement.
Qui accompagne le patient en lui indiquant un biofeedback de ses efforts:
Pour s’impliquer dans sa rééducation, le patient a besoin de savoir ce qu’il fait. Certes, la perception de soi-même est possible lors de la réalisation d’un exercice grâce à des phénomènes internes conscients ou non et à certaines perceptions (proprioception, sensations de contraction musculaire…). Mais cette connaissance de ce qui se passe peut être favorisée par un autre sens : la vue, et plus précisément ici par le fait de voir sur un écran son effort en temps réel pendant la réalisation de son mouvement.
Renvoyer une information (visuelle ou autre) au patient sur son état physiologique, fonctionnel ou pathologique, dans l’intention de lui permettre de le corriger, de l’améliorer ou de le maintenir, n’est pas quelque chose de nouveau. D’une façon plus générale, la notion de feedback, décrite par Weiner dans les années 50, et qui a été appliquée au vivant (biofeedback) puis au champ de la réadaptation fonctionnelle dès le milieu des années 70 a amené une « ouverture thérapeutique » à la prise en charge des patients. Depuis, les avantages et les effets du biofeedback ont été démontrés. Aujourd’hui, même si le principe est admis par tous les praticiens, cette dimension reste limitée dans son utilisation instrumentale informatisée à des applications bien spécifiques.
Ces nouveaux équipements qui nous intéressent ici ne pouvaient être pensés sans biofeedback. Ils sont équipés d’un écran et le patient a une vision en même temps de ce qu’il fait et de ce qu’il devrait faire. Il voit ses erreurs, il les comprend simplement et peut se réadapter, c’est le principe même du biofeedback. Ce qui est particulièrement intéressant ici avec le biofeedback intégré, c’est qu’il a des indications d’effort, de vitesse, de mouvement… bref, le patient a des signaux qui indiquent qu’il a réussi ou non. Il n’a pas fait que sentir, il a vu. L’appareil mesure et enregistre les événements de l’effort, et révèle immédiatement les informations au patient lui permettant de se réadapter en fonction des objectifs fixés au départ. C’est une information complémentaire extéroceptive qui lui est donnée par la vue et qu’il intègre lui-même comme un véritable contrôle de sa proprioception. Cela lui donne une compréhension du geste, c’est valorisant et ludique. L’écran de rétrocontrôle intégré est intuitif et simple à comprendre pour le patient, ce qui est une condition de succès. Il accompagne le patient dans la réalisation de l’exercice et dans ses progrès. L’aspect ludique, la notion de succès/erreur, la dimension motivationnelle permettent une plus grande implication du patient dans sa rééducation. Cela favorise non seulement le développement d’une conscience du geste grâce à une participation ici et maintenant, mais aussi la progression d’une séance à l’autre.
Ce biofeedback est une donnée en temps réel commune au praticien et au patient et fait donc intervenir une composante relationnelle humaine. Le MK s’appuie sur le visuel pour encourager et fournir des stratégies de progression à son patient : « voyez, c’est mieux ! allez, encore une fois, vous allez y arriver ! ».
En pratique pour le MK ? Sur ce type d’appareil la fonction de biofeedback est immédiate, aucune programmation, il s’affiche sur l’écran automatiquement sans aucun réglage préalable.
Qui accompagne et contrôle les gestes dynamiques:
Jusqu’à il y a quelques dizaines d’années, on arrivait très bien à contrôler le travail statique (exemple : Troisier), par contre la grande difficulté était de contrôler les efforts en dynamique. La grande révolution de l’isocinétisme à la fin des années 60 a été de quantifier l’effort dynamique. D’abord utilisé chez les spationautes américains, il a ensuite gagné le milieu du sport de haut niveau, et a été introduit en France dans les années 80. En 2001, l’ANAES conclut dans son rapport que la technique présente un net intérêt aussi bien dans le diagnostic que dans la rééducation (à condition toutefois de respecter les règles de base des procédures standardisées et bien établies par le corps médical). Le fonctionnement des appareils d’isocinétisme repose sur deux grands principes : la maîtrise de la vitesse (on impose une vitesse constante au mouvement du segment de membre, au lieu de lui imposer une résistance fixe), l’asservissement de la résistance (la résistance varie et s’auto-adapte en tous points du mouvement pour être égale à la force développée par le muscle). La technique présente quelques limites, outre son coût (frein à sa diffusion) le caractère analytique de la technique a déjà été abordé et « l’isocinétisme constitue une technique originale mais ne présente qu’une composante du processus global de rééducation ».
D’une façon générale, le contrôle des gestes dynamique est un défi ambitieux : le geste dynamique est très complexe car justement dans un geste dynamique, il y a une phase d’entraînement qui va se jouer sur de l’accélération, puis une phase de réalisation (qui n’est jamais parfaitement à vitesse constante mais qui peut y être assimilée sur une courte section), puis une phase de décélération (le mouvement change encore). Plus on arrive à suivre le mouvement dynamique, plus on arrive à le contrôler, et plus on se rapproche de la physiologie. Ces caractéristiques d’accélération et de vitesses sont réglables sur ces nouveaux équipements permettant ainsi aux MK de s’approcher encore un peu plus du mouvement physiologique en termes d’intensité, de progressivité, de vitesse (il est possible de paramétrer très simplement des vitesses de travail montante, puis descendante, en faisant varier de façon indépendante les phases d’accélération et de décélération, et cela de façon précise et simple). C’est un avantage important qui offre plus de possibilités, les limites de l’isocinétisme sont repoussées. Un autre aspect du geste dynamique est que, lors de son exécution, il y a des phases où la force est grande et d’autres où la force est moins grande. Ces nouveaux équipements permettent de réaliser une modulation de force en même temps que la variation de vitesse.
L’arrivée de l’isocinétisme a été un grand pas en avant, cette nouvelle génération d’appareils, en intégrant de nouveaux réglages, améliore encore le contrôle du geste dynamique en se rapprochant encore plus du mouvement physiologique.
Qui permette aisément de visualiser et de stocker les résultats :
Que ce soit en milieu libéral ou hospitalier, la prise en charge kinésithérapique d’un patient nécessite de considérer un certain nombre d’informations et leur transcription afin de constituer le dossier du patient, d’établir un bilan (devenu bilan-diagnostic) et de permettre un dialogue avec l’équipe de soin ou le prescripteur12. Idéalement en pratique, le MK a besoin d’avoir une évaluation la plus ajustée possible de l’état de son patient et de l’état de l’avancée de ce qu’il fait afin d’élaborer les objectifs et la stratégie (la plus optimale possible) du parcours rééducatif du patient, et de suivre son évolution. Pour cela il fait l’inventaire d’un certain nombre d’indicateurs, le bilan est « un processus d’évaluation du pronostic fonctionnel ».
Dans ce contexte, la mesure objective des grandeurs physiques relatives au(x) mouvement(s) exécuté(s) par le patient présente des avantages importants et vient enrichir les données habituellement collectées. Ces équipements deviennent à la fois un dispositif thérapeutique, un complément au bilan et au diagnostic, et un outil de suivi et de progression (le MK et le patient peuvent suivre à l’intérieur d’une séance et en inter-séance ce que fait le patient, y compris suivre des baisses de résultats). Entre les séances, ou au sein même d’une séance, il peut modifier, ajuster sa stratégie de soins en fonction des résultats du patient qui ont été mesurés objectivement.
Un autre avantage réside dans le fait que les résultats peuvent facilement être communiqués. A propos du bilan et de la mesure, Viel rappelle que « pour être lu, il faut transmettre des données utiles, faciles à lire. Pour être cru, mieux vaut transmettre des chiffres, qui ne prêtent pas à discussion »13. Ici, les résultats sont archivés, peuvent être transmis et sont imprimables. Le praticien peut justifier auprès des organismes sociaux des bons résultats, ou il peut justifier les demandes éventuelles de complément d’approche thérapeutique ou de compléments de séances. Dans la dynamique actuelle de la profession qui cherche à rendre les MK encore plus responsables de leurs pratiques, et qui cherche à les obliger à expliquer aux autres pour qu’ils comprennent ce qu’ils font, ces équipements sont tout à fait intéressants : ils fournissent un « cliché » avant (bilan initial) et un « cliché » après (bilan final), et il est possible de dire si nécessaire ce qui s’est passé entre les deux (phase de rééducation, bilan intermédiaire). Cela constitue une preuve objective qu’il s’est passé quelque chose dans le traitement, c’est un indicateur chiffré démontrant que cela va mieux (au-delà de la sensation du patient) ou qu’il faut poursuivre. Pour les mêmes raisons, cette collecte d’informations devraient participer à améliorer le niveau de relation avec le prescripteur et favoriser les échanges avec l’équipe de soins.
Qui soit rapide en réglages, facile d’utilisation et adapté au secteur:
Face à la technologie de ces appareils, le MK pourrait craindre de se retrouver très vite confronté à une complexité de réglages, à être encombré par des contraintes d’installation et d’utilisation, ou des questions d’interprétation… inconvénients majeurs car sources de perte de temps. Qu’en est-il en pratique ? Les concepteurs ont fait appel à un comité de pilotage de la conception (exclusivement composé de MK) dont un des rôles a été de veiller à la facilité d’utilisation et à la simplicité de l’interface de commande. L’installation du patient est quasi-immédiate et le lancement d’une séance est intuitif et rapide. Les données chiffrées et courbes sont facilement interprétables par le MK et compréhensibles par le patient. Signalons d’autres aspects : les concepteurs proposent une technologie dont l’encombrement au sol est relativement réduit pour s’adapter aux contraintes des petits espaces professionnels ; une technologie dont l’interactivité nécessaire (pour faire évoluer des exercices en cours de séance sans avoir à reprogrammer) a été prévue ; enfin un matériel dont le coût d’investissement (qui correspond à un loyer similaire aux équipements du secteur) ne réserve plus l’isocinétisme aux laboratoires et aux CRF mais permet de le « démocratiser » plus largement aux cabinets libéraux en y ajoutant également d’autres fonctionnalités.
Conclusion
Ce bref rappel réconcilie l'intelligence machine et l'intelligence humaine, les exigences du comportement physiologique et biomécanique deviennent mieux compris par la machine et l'intelligence du praticien en assure le commandement et le contrôle. Cette coopération des savoirs du praticien et des possibilités mis à son service par les progrès scientifiques, sont les gages d'une amélioration des soins au service des patients. Cette amélioration laisse augurer des progrès thérapeutiques et des vitesses de récupération au plus proche de ce que permet la physiologie.
MKDE du Comité de Pilotage avec le Conseil Scientifique de Gilles Péninou, MK, Cadre de santé, Docteur en Biomécanique.