RESUME :
Le renforcement Isocinétique du complexe articulaire de l'épaule est une approche difficilement réalisable pour les activités de ville par manque d’équipement adapté. Cette étude nous a permis de mettre en œuvre en cabinet un protocole de renforcement avec un équipement isocinétique « kinévolution » sur un groupe de patients ayant subi une chirurgie arthroscopique.
Les résultats montrent d'une part la faisabilité d’un tel protocole dans le cadre d’une activité libérale et d'autre part le gain de force musculaire obtenu malgré une disparité des variables inter-patients.
INTRODUCTION / OBJECTIFS
POPULATION
La mise en place du protocole de test réalisée en cabinet sur une période de quelques semaines de prêt de l’équipement a représenté un défi pour les kinésithérapeutes du cabinet. L’autre difficulté fut de trouver un groupe de patients présentant après leurs interventions un déficit des rotateurs latéraux, tout en étant suffisamment à distance de leurs opérations afin de respecter les recommandations de la haute autorité de santé en matière de renforcement isocinétique. Au final, nous avons réussi à appliquer le protocole à un groupe test de dix patients correspondant aux critères prédéfinis. Ce groupe, même s'il peut paraître réduit nous donne une bonne indication des possibilités offertes par cette approche et permet d'en dégager une tendance statistique.
Critères de sélection :
-Tous les patients ont été opérés d'une suture chirurgicale du muscle supra épineux associé à un geste acromioplastique.
-Tous les patients ont subi leurs interventions à une distance moyenne supérieure de six mois du test statique d'évaluation de la force initiale.
-Ces patients opérés présentent tous la particularité d'avoir développé un enraidissement post chirurgical modéré qui a retardé leur rééducation. Ils ont été initialement traités au cabinet pour un enraidissement capsulo-ligamentaire associé à un décentrage articulaire.
-Ils présentent un déficit des rotateurs latéraux, tout en étant à distance suffisante de leur intervention. Ils sont tous en fin de rééducation, ayant récupéré la totalité des amplitudes articulaires du complexe articulaire de l'épaule ; et les différents tests de décentrage et de conflits sont négatifs.
-Un patient du groupe initial de dix a été exclu du protocole suite à une maladie intercurrente l'obligeant à une hospitalisation.
D’âge moyen de 55,5 ans, trois hommes et six femmes ont donc participé au test. La variable des âges montre un écart type de 6.4 ans, la patiente la plus âgée à 68 ans et la plus jeune 47 ans.
Critère d'exclusion du protocole :
Toute apparition de phénomènes douloureux ainsi que l'apparition d'une fatigue neuro-motrice objectivée par une courbe erratique sur le moniteur sont considérées comme un critère d'arrêt.
Toute absence ou discontinuité dans le protocole prédéfini est considérée comme un critère d'arrêt.
POSITIONNEMENT DE REFERENCE DU PATIENT
Le sujet est debout, positionné orthogonalement par rapport au bras articulé. La main du membre supérieur qui doit subir le test tient le préhenseur de la machine en position neutre de prono-supination. Le bras est positionné à 45° d'abduction en respectant le plan de l'omoplate. Un ballon dont la taille est choisie afin de toujours maintenir à 45 ° l'abduction malgré la différence de morphologie des patients est placé entre la face interne du coude et le thorax. Ce placement permet de maintenir un positionnement fonctionnellement neutre de l'épaule et du membre supérieur et ainsi d'apporter plus de confort au patient.
TEST INITIAL
Ce test permet d'établir l'étalon de force du sujet.
Le patient est placé en position de référence en rotation d'épaule neutre. La mesure initiale consiste en 3 répétitions de mesure du pic de couple déployé par le patient sur le mode isométrique lors d'une tentative de rotation latérale d'épaule. Le test est réalisé avec la facilitation d'un double bio feed-back : sous stimulation auditive du MKDE en charge du protocole et observation visuelle sur l'écran de la machine qui permet un asservissement cognitif du patient.
EXERCICE ET PROTOCOLE
L’équipement permet d'appliquer différents modes de contraction. Nous avons choisi l'utilisation du mode isocinétique excentrique afin d'augmenter la résistance à l'étirement du complexe musculo-tendineux et de stimuler les fibroblastes en facilitant le réalignement des fibres néo synthèses dans leurs axes de traction physiologiques. Ce sont ces éléments qui aident le patient à supporter les contraintes mécaniques engendrées par son activité quotidienne.
L'exercice consiste en trois séries de dix répétitions interrompues par un repos de 30 secondes. Des pré-tests ont permis, sur une population indemne de toute pathologie, de tester les différentes vitesses allant de 10mm/s à 120mm/s sur le mouvement. Les vitesses choisies nous sont apparues comme à même d'allier efficacité de renforcement, critère de progression et innocuité. Les vitesses d’isocinétisme appliquées sont respectivement de 100mm/s, 60mm/s et 30mm/s pour chacune des trois séries de dix répétitions.
Le nombre de séances est fixé à trois par semaine sur une période de quatre semaines.
Au préalable, à chaque application du protocole de renforcement, le patient subit une séance de mobilisation douce de son complexe de l'épaule avec vérification du centrage articulaire.
Le patient est ensuite placé en position de référence. L’équipement emmène passivement le membre du sujet en rotation latérale. L'amplitude totale du mouvement contrôlé est de 40°. Le praticien vérifie le bon positionnement scapulo-huméral. Lorsqu'il est prêt, le patient appuie sur le bouton prédéfini sur le haut de la poignée ou commence son mouvement en rotation latérale. La machine détectant cette contraction déclenche une force proportionnelle contraire s'opposant à la rotation du patient.
Le thérapeute sollicite verbalement le patient durant toute la phase de contraction. A cette sollicitation s'ajoute un bio feed-back visuel fourni par l'écran de la machine. Le patient suit en permanence son effort pendant le mouvement grâce à l’affichage en temps réel de la force développée par rapport à des courbes de consigne de force/déplacement minimum et maximum définies au cas par cas par le thérapeute.
Grace à ce bio feed-back visuel en temps réel, le patient module sa contraction de façon à rester dans le couloir de consigne tout au long de la trajectoire du mouvement. Les consignes choisies pour cette étude suivent toutes le même schéma constitué d’une pente d'établissement, d’un plateau et d’une pente décroissante.
Critères de progression :
Lors du déroulement des différentes séances nous avons considéré que le critère de progrès est la capacité du patient à contrôler sa gestuelle et son effort à l'aide du biofeedback et à accroître la force développée grâce à l’exercice.
TEST FINAL
Le test final reprend exactement le test initial et permet d'établir une comparaison de progression.
CONCLUSION
Comme souvent, nous observons une grande disparité entre les différentes données de chaque sujet. En effet, si les résultats au début du traitement semblent proches en termes de gain, on observe que la variable inter-patient est déjà importante. Il faut considérer cela en tenant compte du grand nombre de variables propres à chaque patient : âge, morphotype, état général etc. Les moyennes des résultats des tests initiaux vont de 4,15 kg à de 7,47 kg (voir tableau).
Pour les mêmes raisons, les résultats de fin de test sont aussi très hétérogènes avec un gain maximum de 127,7 % et un gain minimum de 3,3 %, la moyenne se situant à 40,9 % d’amélioration. Ces résultats sont logiques si l'on compare les très nombreuses variables inter-sujets. Tout d'abord les variables d’âge, de morphotype, d'état général, d'état cicatriciel et de douleur. S'y ajoutent les dispositions propres à chaque sujet, la réussite du traitement chirurgical, celle du traitement MK, etc...
Nous retiendrons que le protocole a permis à l'ensemble des patients d'améliorer leur « couple force » des rotateurs latéraux. La tendance est donc nettement favorable.
Au-delà de l'aspect limité de cette étude, nous retiendrons donc que le renforcement en mode isocinétique apporte toujours un réel plus dans la prise en charge des pathologies de l'épaule et surtout que cette technologie est aujourd'hui applicable dans le cadre d'une activité de ville.
De façon plus globale, nous notons que le ressenti du patient à l'encontre de l'équipement a été positif. La douceur et le contrôle avec lequel le mouvement est exécuté ont été fortement appréciés. Nous pensons que le principe de déclenchement de la résistance dynamique lors de la détection du début de contraction du patient est pour beaucoup dans l'aspect confortable et sécurisant décrit par les sujets.
Sur le plan de la mise en œuvre du test et donc de l'intégration du matériel Kinévolution au sein d'un cabinet de ville, les choses se sont finalement faites sans réelle difficulté. La mise en place des différents exercices est assez simple et facilement reproductible une fois les paramètres intégrés.
Matériel utilisé:
Les tests isométriques et les exercices isocinétiques ont été réalisés avec le produit Kinévolution. Cet appareil de nouvelle génération utilise les possibilités offertes par la recherche dans l'isocinétisme et le contrôle de trajectoire pour une utilisation en cabinet libéral et en plateau technique. Il permet un travail analytique et fonctionnel tout en dissociant le travail des agonistes et des antagonistes avec un retour en position initiale passif ou en réalisant un travail concentrique/concentrique, excentrique/excentrique ou concentrique/excentrique. Kinévolution est aussi un outil d'évaluation permettant de quantifier des déficits de force-couple articulaire. Il autorise une approche objective dans le bilan diagnostique et ouvre la porte au suivi des progrès d'un patient dans son parcours de soin ou comparativement à un groupe test.